" La sensibilisation de l'employeur est très importante "

En matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées, les bonnes intentions ne sont pas toujours suivies d'effet ?

Oui. Les entreprises sont censées avoir 6% de personnes handicapées, certaines sont donc prêtes à les accueillir sans mesurer les difficultés que soulève l'intégration d'une personne handicapée. Pour éviter que ces entreprises soient déçues après avoir fait l'effort d'intégrer une personne handicapée il faut qu'elles aient une certaine connaissance du handicap et aussi une bonne information sur les aides dont elles peuvent bénéficier.

Par ailleurs, il existe des associations qui vont dans les entreprises pour faire de l'information et de la sensibilisation. Cela permet de faire un travail préalable avant d'intégrer une personne handicapée. Selon le handicap, la tâche sera plus ou moins facile. En particulier pour les personnes sourdes, dont le handicap est " invisible ".Ce travail permettra de mesurer la réaction des personnels par rapport à chaque handicap, et de les informer des spécificités de chacun. En l'absence d'une telle démarche on s'expose à des déceptions et à des échecs. La personne handicapée est alors considérée comme quelqu'un qui n'est pas capable d'assumer un travail et elle est rejetée.

Le problème c'est aussi le manque de qualification d'une majorité de travailleurs handicapés, l'accès aux études n'étant pas facilité ?

Les personnes handicapées sont dans l'ensemble moins diplômées, l'Education nationale n'ayant pas les structures et les moyens d'adapter l'enseignement à cette catégorie d'élèves. La qualification professionnelle est aussi liée à l'existence de lieux de formation adaptés aux personnes handicapées.

Certains handicaps sont plus pénalisés comme la surdité où le problème de la communication reste difficile également comme le handicap moteur qui exige une accessibilité des locaux pour la personne en fauteuil roulant. Quand on parle de l'emploi des personnes handicapées on peut donc dire qu'il existe de grandes différences d'une personne à l'autre et d'un handicap à l'autre. De même, le niveau d'études peut être très variable et les qualifications professionnelles également, d'où les difficultés à les recruter.

Pourtant il y a beaucoup d'associations, d'organismes qui font un travail de sensibilisation...

Oui mais les associations n'entrent pas forcément dans les entreprises. Il y a beaucoup d'associations spécialisées dans l'information sur le handicap et sur tout ce qui tourne autour de l'intégration des personnes handicapées dans le monde du travail (plaquettes explicatives...). Mais aller dans une entreprise et expliquer au DRH, ou aux personnels qui vont accueillir la personne handicapée, les précautions à prendre, les comportements à avoir ou à ne pas avoir, c'est beaucoup moins facile.

L'alourdissement des sanctions envers les entreprises qui n'embauchent pas assez de travailleurs handicapés peut avoir un effet positif ?

Les sanctions supplémentaires auront simplement pour effet d'augmenter les redevances à l'Agefiph. Souvent les entreprises n'embauchent pas de personnes handicapées mais font travailler des CAT, ou des organismes extérieurs. Tout cela vient en déduction des 6%.

Les entreprises disent ne pas avoir d'emplois "basiques" accessibles aux personnes handicapés. C'est un peu désolant car il y a tout de même des handicapées qui sont capables de faire un travail, même s'ils n'ont pas toujours un niveau Bac+2. L'Etat a mis en place beaucoup d'emplois aidés, en général à temps partiel, réservés aux adultes handicapés. Mais ces emplois, qui ne coûtent pratiquement rien à l'entreprise, ne débouchent pas sur une obligation d'embaucher la personne à la fin de son CDD. Donc les gens travaillent un an, ou 18 mois, les contrats sont parfois renouvelés, mais les travailleurs handicapés sont très rarement intégrés. Ils sortent un peu du chômage, c'est très bon pour les statistiques, mais ça ne débouche pas sur un vrai travail.

Après l'insertion professionnelle, le maintien dans l'emploi, c'est aussi l'une des principales difficultés...

Oui, car en plus il y a des handicaps évolutifs. Par exemple, des gens qui sont moyennement sourds lors de leur embauche voient leurs difficultés augmenter avec le temps. Que fait l'entreprise à ce moment-là ? Va-t-elle la maintenir dans des conditions d'emploi équivalentes ? C'est un problème absolument insoluble.

Quels sont les métiers les plus accessibles aux sourds ?

Les sourds ont longtemps été maintenus dans les métiers manuels qui aujourd'hui disparaissent, comme l'imprimerie par exemple. Pour les autres métiers, il y a l'informatique.

Malgré les bonnes intentions, notamment depuis la loi handicap de 2005, il reste beaucoup à faire...

Oui malgré les bonnes intentions, il ne s'est quasiment rien passé sur le terrain. Depuis la loi handicap votée en 2005, nous en sommes simplement à mettre en place le plan de compensation du handicap pour les gens qui ont besoin d'aides techniques et humaines qui leur permettent de vivre et pour certains de travailler .

Pour finir sur une note positive, il faut tout de même dire qu'il y a de nombreuses aides pour les entreprises qui s'engagent à embaucher des personnes handicapées...

Oui, il y a des avantages pour les entreprises surtout au début, comme les aménagements de poste avec l'Agefiph. Les associations connaissent bien le problème et sont toujours prêtes à aider. La sensibilisation de l'employeur est très importante : c'est un gros effort d'intégrer une personne handicapée. Mais si le tandem fonctionne bien, il y a une telle reconnaissance de la part des travailleurs handicapés d'avoir un emploi, d'être bien considéré qu'ils font le maximum et on est souvent très content d'eux. Donc il ne faut pas désespérer.

A lire aussi : L'insertion des travailleurs handicapés sur le site Handi-cv.