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Vers la fin de la rupture conventionnelle ?

Par Guirec Gombert | Publié le 20/02/2013 - Mis à jour le 05/02/2015

Alors que la barre du million de ruptures conventionnelles a été franchie fin 2012, deux arrêts récents de la Cour de cassation pourraient conduire les entreprises à plus de réflexion avant de signer ce dispositif, estime Audrey Letertre, avocate en droit social.

La Cour de cassation a invalidé deux cas de rupture conventionnelle début 2013, pour quels motifs ?
Dans le premier cas, il s'agissait d'une salariée qui, placée en arrêt maladie pendant plus de quatre mois en raison d'un état dépressif lié au harcèlement moral dont elle se disait victime, avait conclu avec son employeur une rupture conventionnelle, le jour même de sa reprise du travail. La Cour de cassation a confirmé l'analyse de la Cour d'appel qui a jugé qu'une situation avérée de harcèlement moral ne permettait pas à la salariée d'exprimer un consentement libre et éclairé lors de la conclusion de cette rupture conventionnelle.

Dans la deuxième affaire, la Cour de cassation s'attache à la forme de la rupture conventionnelle. Un salarié et un employeur avaient tous deux conclu une rupture conventionnelle, mais l'employeur n'avait pas remis au salarié un exemplaire de la convention. Cette dernière doit notamment mentionner la fin du délai de rétractation ainsi que la date prévue pour la rupture. Le salarié a par la suite contesté la rupture devant le conseil des Prud'hommes, estimant qu'il ne pouvait pas faire valoir librement son droit de rétractation. Cette omission a permis de remettre en cause la validité de la rupture conventionnelle, assimilée alors à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Quel sens donner à ces décisions de justice ?
On s'aperçoit, à la lecture des décisions rendues à la fois par les Cours d'appel mais aussi tout récemment par la Cour de cassation, que l'accent est mis sur la libre expression du consentement du salarié. Dès lors qu'il y a suspicion, la rupture conventionnelle est fragilisée, même s'il appartient, en tout état de cause, au salarié d'apporter la preuve que son consentement aurait été vicié. Les entreprises sont donc invitées à faire preuve de prudence avant de signer une rupture conventionnelle et à bien mesurer le risque de contentieux en cas de situation conflictuelle sous-jacente avec le salarié. Un employé qui obtient gain de cause pourra en effet solliciter à la fois des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de licenciement ainsi que, le cas échéant, une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement. L'addition peut vite devenir salée.

Est-ce que cela signifie que la justice protège mieux le salarié qu'auparavant ? 
Mieux, je ne crois pas. Mais il est vrai que les conseils des Prud'hommes sont attentifs à ce que ces procédures émanent bien d'un commun accord entre l'employeur et le salarié. Outre ces deux récents arrêts, un autre point pourrait aussi freiner les entreprises lors de la signature d'une rupture conventionnelle. Depuis le 1er janvier 2013, l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, versée par l'employeur à l'occasion de la rupture du contrat de travail, est en effet assujettie au forfait social de 20%. Cette cotisation supplémentaire alourdit la note pour les entreprises et rend la rupture conventionnelle moins attractive.

Ce dispositif a souvent été critiqué parce qu'il serait principalement à l'initiative de l'employeur. Si un salarié devait le contester, quelles preuves lui faudrait-t-il apporter ?
Il y existe plusieurs hypothèses. Si un employé se plaint d'une situation de harcèlement moral ou plus généralement d'une situation conflictuelle avec son employeur lors de la conclusion de la rupture conventionnelle, il devra en apporter la preuve. S'il s'estime victime de harcèlement moral, il devra fournir aux juges des éléments tels que des attestations, des certificats médicaux, laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dès lors que la situation de harcèlement moral est reconnue par les juges, la rupture conventionnelle intervenue dans ce contexte sera nécessairement jugée nulle. On peut également envisager le cas d'un salarié qui, sous le coup d'une procédure disciplinaire, se voit concomitamment proposer de conclure une rupture conventionnelle. Il faudra alors collecter tous les éléments à sa disposition (courriers, avertissements, convocation à un entretien, etc.) démontrant qu'il existait bien un litige entre les deux parties lors de la signature de la convention de rupture. Enfin, si la rupture est signée dans un contexte de difficultés économiques, le salarié a tout intérêt à se rapprocher des représentants du personnel afin de mieux connaître la situation économique réelle de l'entreprise. Si son employeur rencontre effectivement des difficultés économiques, le salarié pourrait être concerné par une procédure de licenciement économique, bien plus avantageuse financièrement. 

Le contexte actuel pourrait-il entraîner une hausse des contestations ?
Depuis la crise, on constate effectivement que les salariés saisissent plus fréquemment le conseil des Prud'hommes mais cette progression des contentieux concernent, en réalité, toutes les ruptures de contrat de travail, quelle que soit leur nature.

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